Comment assurer un retour en classe réussi pour nos jeunes?

Comment assurer un retour en classe réussi pour nos jeunes?

De novembre 2023 à janvier 2024, plus de 300 000 élèves ont été en congé forcé au Québec*. Comme tout le monde, la Fondation Jeunes en Tête a suivi avec intérêt cette grève historique du milieu scolaire. Nos jeunes reviennent ce mois-ci progressivement sur les bancs d’école avec un retard considérable à rattraper et des inégalités d’apprentissage à tenter d’atténuer.

Comment les outiller pour que leur adaptation se déroule le plus harmonieusement possible? Et surtout, comment identifier les signes de détresse psychologique chez nos ados et leur apporter de l’aide après cette absence?  

Nous sommes allés à la rencontre d’expertes et membres de différentes équipes-écoles concernés par le contexte afin de partager avec vous quelques pistes qui pourraient faciliter l’accompagnement de nos jeunes dans cette reprise graduelle.  

Quelles peuvent être les conséquences de cette période sans école sur la santé mentale et l’équilibre des jeunes? 

Suzanne Vallières, psychologue et conférencière raconte: « Ce que j’observe dans mon bureau en ce moment, c’est beaucoup d’anxiété et d’insomnie. On dirait que pour nos jeunes qui étaient déjà anxieux, le 22 jours d’arrêt a fait en sorte que c’était comme s’ils recommençaient une nouvelle année scolaire. » Elle évoque aussi le risque d’une surcharge mentale et émotionnelle dans les prochaines semaines, ainsi que d’une fatigue en raison de la charge de travail à reprendre. 

Stéphanie**, enseignante en adaptation au secondaire mentionne: « Ce que tous les enseignantes et enseignants doivent appréhender en ce moment est l’état dans lequel ils vont retrouver certains de leurs étudiants. Nos ados peuvent revenir en classe démotivés, anxieux et avoir une grande peur de l’échec face à tout ce qu’il faut récupérer ». 

Elle explique que l’isolement des jeunes durant cette période peut assurément avoir entraîné une déresponsabilisation, une perte de routine et de repères, ainsi qu’un sentiment d’abandon. « Parfois, les ados vivent des situations difficiles à l’intérieur de leurs familles et le milieu scolaire est leur endroit sécuritaire et encadrant. Il faut espérer que cette période d’isolement n’ait pas été trop difficile sur leur moral », mentionne Stéphanie.  

Jeanne**, enseignante d’anglais langue seconde au secondaire précise: « La principale source de socialisation de nombreux élèves se trouve à leur école, et la grève leur a retiré cette possibilité. Je pense que la santé mentale de nombreux élèves pourrait être affectée par le manque de contacts avec leurs amis. Malgré l’accès à de nombreuses plateformes de réseaux sociaux, il n’y a rien de plus bénéfique que la socialisation en personne. » 

Les plus à risque sont les élèves qui avaient déjà des difficultés ou des troubles d’apprentissage. Marie-Claude Guay, neuropsychologue et professeure de psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) signale: « Pour eux, la côte sera plus à pic à remonter. Ils ont souvent besoin de plus d’occasions d’apprentissage que la norme, donc le retard actuel d’environ 10% de leur année scolaire est énorme pour eux. »  

Les ados anxieux sont aussi à surveiller, selon elle: « Le retour en classe peut susciter un stress supplémentaire pour ces jeunes, souvent intolérants aux incertitudes. La structure du contexte scolaire modifiée peut les déstabiliser un peu. » La professeure de psychologie tente de rassurer en rappelant tout de même que pour la majorité des jeunes, il n’y aura pas de conséquences graves ou importantes.  

En tant que membre du personnel scolaire, comment appréhender le retour en classe et accompagner nos jeunes? 

Tout comme Stéphanie, Jeanne s’inquiète de l’état dans lequel elle retrouvera ses élèves: « De nombreux étudiants vivent de l’anxiété au cours de leur parcours scolaire et je crains que la grève ait eu un impact négatif sur leur état d’esprit. » 

Les deux enseignantes conseillent de faire comme en pandémie, soit de revenir aux savoirs essentiels et d’être vigilants sur les changements d’attitude des jeunes. Il faudra rassurer, accompagner et appuyer les élèves face au retard.  

En plus de ce qui est prévu par le Ministère de l’éducation, Jeanne ajoute qu’elle offrira plus de périodes de récupération à l’heure du dîner où elle pourra être à la disposition des élèves s’ils ont besoin d’aide. « Je proposerai également des périodes où les élèves pourraient venir me parler s’ils se sentent stressés, déçus ou même frustrés. » 

Elle prévoit travailler avec ses collègues pour trouver des moyens de couvrir toutes les matières avec leurs élèves, et ce, sans les surcharger.  

De son point de vue, Suzanne Vallières recommande au personnel enseignant de ne pas couper les périodes de “pauses” en classe sous prétexte qu’il y a du travail à reprendre. Cela pourrait apporter un stress et une fatigue supplémentaire pour nos jeunes. « Les profs peuvent aussi demander à leur classe comment ils ont vécu le retour et surtout, les rassurer sur les mois à venir. Nos enfants ont besoin d’être sécurisés et compris. Ils doivent être accompagnés et non jugés. » 

Marie-Claude Guay mentionne que le tutorat en petits groupes est une excellente piste de solutions pour les élèves avec des difficultés d’apprentissage. La neuropsychologue et professeure de psychologie à l’UQAM ajoute que l’important en tant qu’enseignant est de garder l’œil ouvert et d’être à l’écoute. « Le personnel enseignant a l’avantage de déjà connaître ses jeunes contrairement à une rentrée de septembre. Il faut alors regarder s’il y a des changements de comportements du jeune qu’ils connaissent du début de l’année et celui qu’ils retrouvent présentement. Il y a possibilité de comparer le “avant” et le “après”. » 

Madame Guay souligne qu’il faut agir si l’on constate qu’un élève semble plus déprimé ou démotivé. Il ne faut pas attendre que le jeune soit en rupture de fonctionnement, il faut aller chercher l’aide psychologique ou pédagogique à temps. 

 

Voici un tableau récapitulatif auquel vous pouvez vous référer pour vous aider à « situer » un ado dont les comportements ou les propos vous inquiètent 👇

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Que faire en tant que parent pour aider son ado à naviguer dans ce contexte? 

Pour ce qui sont des parents, Stéphanie leur recommande de défaire les mauvais plis que le congé prolongé aurait pu causer. Cela commence par éviter que leurs ados passent trop de temps devant les écrans et les encourager à garder leurs cerveaux actifs en révisant la matière apprise avant la grève ou en lisant.  

Il y a de nombreux sites gratuits et facilement accessibles qui peuvent aider, comme Alloprof ou Academos. « Il faut inciter nos jeunes à faire des activités physiques régulièrement, à passer de bons moments en famille et à continuer de côtoyer leurs amis du quartier pour éviter l’isolement et la démotivation. Qu’ils essayent de garder un bon équilibre dans leurs vies malgré les périodes de changements. » 

La psychologue et conférencière, Suzanne Vallières, seconde ces recommandations en ajoutant: « Une chose que je nomme beaucoup aux parents depuis cette semaine, c’est d’être davantage dans la compréhension et dans l’acceptation du fait que leurs jeunes seront plus fatigués. On tente de rétablir une bonne routine, leur permettre de relaxer en rentrant de l’école en jouant dehors pour s’oxygéner, en prenant un bain, en lisant. Il ne faut pas paniquer si on voit que notre jeune a de la misère et plutôt s’adresser aux profs pour trouver des pistes de solutions. » Elle rappelle aussi que nos ados ont besoin d’au minimum neuf heures de sommeil par nuit à ne pas négliger.  

Jeanne, enseignante d’anglais, encourage aussi les parents à demander à leurs enfants ce qu’ils pensent de la situation dans son ensemble. « S’ils jugent que leur enfant a été très affecté par la grève et ses effets, ils pourraient avoir des conversations ouvertes avec eux pour être en mesure de les aider de manière appropriée. »  

Marie-Claude Guay ajoute qu’une bonne communication avec l’équipe-école est importante. « Le gouvernement à attitrer un nouveau budget dans le contexte actuel pour qu’il y ait davantage d’aide dans les écoles, donc servons-nous-en au besoin. Osez demander les services publics à votre disposition aux écoles! » 

Outiller les enseignants, les parents et le personnel de soutien d’ados est au cœur de la mission de la Fondation Jeunes en Tête.

« Étant partenaire du réseau scolaire, nous sommes conscients de l’ampleur du défi qui attend les enseignants et enseignantes avec le retour en classe. Les jeunes plus vulnérables sont en situation encore plus précaire qu’avant la grève. Il faut s’assurer qu’aucun d’entre eux ne tombe entre les mailles du filet durant cette période d’imprévisibilité qui peut être stressante pour nos ados. », explique Mélanie Boucher, présidente-directrice générale à la Fondation. 

Nos jeunes ont besoin de nous dès maintenant pour faire face aux imprévus des mois à venir. Donnons-leur l’accompagnement approprié. N’hésitez pas à consulter et partager nos outils gratuits pour les membres du milieu scolaire, comme pour les parents d’ados 👇

Télécharger notre liste pour un retour en classe réussi

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*https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2031084/enfant-difficulte-apprentissage-pandemie-greve

**Noms fictifs. Ces deux enseignantes ont préféré garder l’anonymat, car nos discussions avec elles ont eu lieux durant la période de négociation.

 

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