Lutte contre la violence à l’école : que faire ?
Lutte contre la violence à l’école : que faire ?
D’après une entrevue avec Marie Emond, responsable de programme au CSSMB
Alors que les statistiques indiquent que les violences à l’école auraient augmenté depuis la pandémie1 et que les médias diffusent régulièrement des nouvelles alarmantes, on peut se sentir démuni et penser qu’il n’existe pas de solutions efficaces pour contrôler ce phénomène.
Pourtant, il existe des initiatives très porteuses qui ont été mises en place dans certaines écoles du Québec.
Rencontre avec Marie Emond, responsable du programme « Soutien au Comportement Positif » au Centre de services scolaires Marguerite Bourgeoys (CSSMB). Chargée du déploiement de ce programme innovant en collaboration avec le chercheur Steve Bissonnette (Université Téluq) depuis 2016, elle a obtenu des résultats très encourageants dans les établissements implantés.
Quelles sont les stratégies efficaces pour prévenir la violence en milieu scolaire ?
Marie Emond, du Centre de services scolaires Marguerite Bourgeoys (CSSMB), nous explique que le programme de Soutien au Comportement Positif (SCP) a permis d’agir positivement sur certains comportements dérangeants tels que l’impolitesse, le refus de travailler, l’opposition, la violence verbale, etc.
En effet, pour que les élèves puissent étudier sereinement et développer tout leur potentiel, il est essentiel que l’école reste un lieu bienveillant et apaisé.
Le programme repose ainsi sur la mise en place de trois paliers d’interventions :
👉 Le premier palier, qui règle 80% des situations, consiste à appliquer des mesures préventives pour aider l’ensemble des élèves à adopter les comportements attendus par l’école.
👉 Pour les 20% restants qui ne répondraient pas aux interventions universelles, un travail en sous-groupe est effectué auprès d’élèves ayant les mêmes difficultés comportementales (palier 2). Si cela n’est pas suffisant, une intervention individualisée est réalisée (palier 3).
Le palier 1 s’adresse à tous les élèves et repose sur l’enseignement et le renforcement positif des bons comportements tout au long de l’année. Ainsi, des attentes comportementales (pour les aires de vie, le gymnase, la classe etc.) sont établies par un comité dans l’école, formé d’une dizaine de personnes, tels que des enseignant.e.s de chacun des cycles, un.e psychoédacteur.rice et la direction de l’école.
Une fois les bons comportements établis, le comité va élaborer un arbre décisionnel qui va indiquer aux membres du personnel scolaire comment agir. Ainsi, les enseignant.e.s seront, en général, chargé.e.s de gérer les comportements inappropriés mineurs, tandis que les comportements majeurs nécessiteront le retrait de l’élève et une intervention de la direction de l’école ainsi que des intervenant.e.s scolaires.
Ces indications ainsi qu’une formation vont permettre à l’équipe école d’enseigner de façon cohérente les attentes comportementales attendues des élèves mais aussi de les renforcer dans le temps. Marie Emond nous indique en effet que, malheureusement, il arrive encore trop souvent que les écoles pensent que certains comportements doivent être acquis à partir d’un certain âge et qu’il n’est donc pas utile de leur enseigner ou de les féliciter pour leurs bons coups. D’après elle « si on fait juste gérer des écarts de conduite sans leur dire bravo, ça ne fonctionne pas. Et si on fait juste leur dire bravo pour les renforcer sans gérer lorsqu’ils ont des écarts de conduite, ça ne fonctionnera pas non plus. »
Quels outils concrets utiliser pour renforcer les comportements positifs des élèves ?
Pour valoriser les bons comportements à l’école, Marie Emond nous indique que le CSSMB a déployé de nombreux moyens comme :
💪 Souligner les bons coups et les progressions des élèves de façon individuelle.
Par exemple, un.e jeune qui avait tendance à rire des autres élèves en classe et qui se met à adopter une attitude constructive et respectueuse, sera félicité.e. On peut aussi utiliser des outils comme des cartes ou des jetons de points qui ont beaucoup de succès auprès des jeunes. En les accumulant, les élèves pourront les échanger contre des articles scolaires, des chandails d’uniforme, des rabais pour le bal des finissants ou leur album de fin d’année.
💪 Célébrer les réussites mais aussi les efforts collectifs.
Ainsi, une classe ou un niveau scolaire qui aurait atteint un objectif de classe (par exemple : faire moins de bruit dans les corridors pour ne pas gêner les autres cours), bénéficieront d’une activité spéciale comme une période de jeux à l’extérieur, un bingo etc.
À chaque fois qu’on récompense les bonnes attitudes d’un élève, on crée un lien avec l’ado, on lui dit qu’on est fier.e de lui.elle et on augmente ainsi son sentiment d’efficacité personnelle ainsi que son estime de soi. Plus le lien est fort, plus il y aura d’interactions positives, plus le.la jeune sera réceptif.ve si on doit gérer des comportements négatifs. Marie Emond nous précise ainsi qu’« on doit avoir quatre fois plus de retours positifs que négatifs dans les classes ou dans l’école pour garder un lien fort avec les élèves ».
D’autre part, les membres du personnel scolaire profitent eux aussi des retombées de ce programme basé sur la récompense. En effet, il est bien plus demandant de corriger les comportements négatifs d’un.e ado que de souligner ses bons coups. De nombreux enseignant.e.s se sentent ainsi moins fatigué.e.s car plus ils renforcent positivement leurs élèves, mieux ils les renforcent et moins ils ont de problèmes à gérer.
Comment mesurer les retombées du programme de Soutien au Comportement Positif dans les établissements scolaires ?
Tout d’abord, Marie Emond nous explique que le comité se réunit chaque mois pour faire le bilan des actions mises en place. En effet, les enjeux rencontrés par les écoles changent constamment et il est important de s’ajuster pour avoir une démarche pertinente dans la durée. Suite à cette réunion, les décisions sont communiquées aux membres du personnel scolaire, via l’assemblée générale de l’école ou les courriels informatifs hebdomadaires.
D’autre part, tous les comportements problématiques significatifs sont recensés dans un fichier centralisé pour que la situation de chaque jeune puisse être suivie dans le temps, quelles que soient les circonstances ou les membres du personnel scolaire présents au moment des faits.
Cela permet ainsi :
• d’éviter les déperditions d’information concernant les élèves,
• d’avoir un suivi complet et dans la durée de chaque situation,
• d’adopter des actions correctives plus pertinentes,
• de pouvoir communiquer de façon plus efficace auprès des familles des élèves,
• d’obtenir un portrait global de l’école, par niveau scolaire, par groupe ou encore par aires de vies communes de l’école.
Enfin, les informations collectées sont regroupées pour être analysées statistiquement et vérifier l’impact du programme de Soutien au Comportement Positif. Le CSSMB a ainsi noté une baisse moyenne de 70% des écarts de conduite majeurs2 depuis l’implantation du programme de Soutien au Comportement Positif et ce, même en contexte de pandémie3.
Quelles sont les conditions de réussite du programme de Soutien au Comportement Positif ?
Selon Marie Emond, il est très important qu’au moins 80% du personnel scolaire soit volontaire pour participer au programme. Un vote est ainsi organisé dans chaque établissement pour s’assurer de l’engagement du personnel avant l’implantation du programme. De plus, il est essentiel que la direction de l’école ait un fort leadership pour que l’équipe école relaye efficacement le programme auprès des élèves.
Pour finir, Marie Emond nous donne ses 3 meilleurs conseils :
👉 Ne jamais penser que les élèves ont acquis les comportements qu’on attend d’eux, même chez les plus âgés car l’âge n’est pas garant d’une compétence.
👉 Gérer les écarts de conduite par des interventions directes et indirectes pour les comportements mineurs. Une bonne façon d’être positif c’est d’enseigner des comportements de remplacement et de donner des limites claires.
👉 Utiliser des données et des faits pour prendre des décisions au lieu de se baser sur des impressions.
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Sources
1https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/3157-impacts-pandemie-developpement-enfants-2-12-ans.pdf
2https://cqjdc.org/files/La_foucade/CQJDC_La_foucade_23_1.pdf
3Ces données proviennent des écoles qui avaient des données avant la mise en place du SCP et dans lesquelles environ 4 000 élèves ont été exposés au système.