Journée mondiale de la santé mentale

Comment vont les garçons ?

Journée mondiale de la santé mentale

Comment vont les garçons ?

D’après une entrevue avec Orlando Ceide, Chargé de projet – Programme « Projet Gars » de la Maison d’Haïti

Alors que nous célébrons la journée mondiale de la santé mentale le 10 octobre, qu’en est-il du bien-être de nos garçons ?

En effet, lors d’une récente étude de l’Université de Sherbrooke sur la santé mentale des jeunes, il est apparu que seulement 21% des garçons (vs 52% chez les filles et 73% pour les autres identités de genre) présentaient des symptômes d’anxiété et de dépression modérés ou sévères.

Peut-on en déduire pour autant qu’ils vont mieux que les autres ? Souvent éduqués à ne pas dévoiler leurs émotions, les garçons pourraient ainsi masquer leur détresse psychologique.

Voici un décryptage de la situation avec Orlando Ceide, Chargé de projet dans le cadre du programme « Projet Gars » de la Coordination Jeunesse de la Maison d’Haïti, un organisme communautaire dédié à l’accueil et l’intégration des personnes nouvellement arrivées.

Peut-on dire que les garçons vont mieux que les autres ados ?

Lorsqu’on prête attention aux statistiques, il apparaît systématiquement que les garçons ont une meilleure santé mentale que les autres genres.

Selon l’étude de l’Université de Sherbrooke, 37 % des jeunes du secondaire et 52 % des jeunes qui fréquentent le Cégep ou l’université rapportent des symptômes modérés à sévères d’anxiété ou de dépression et les filles sont trois fois plus nombreuses que les garçons à déclarer en avoir au secondaire.

Mais il apparaît aussi que lorsqu’on leur demande s’ils ont pensé à se faire du mal durant les 2 dernières semaines, la proportion de garçons et de filles au cégep se rapproche (23% vs 25% pour les filles). Ainsi, selon une étude de l’INSPQ en 2020, les garçons de 15 à 19 ans seraient plus concernés par le suicide (7/100 000 vs 5/100 000 pour les filles) mais les filles seraient 4 fois plus nombreuses à être hospitalisées pour tentative de suicide et 3 fois plus à visiter les urgences en cas de tentative de suicide. Par ailleurs, Statistique Canada révèle un taux de suicide environ trois fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes à l’échelle du pays (18 hommes contre 5 femmes pour 100 000 personnes)*.

Comment expliquer ce phénomène?

On observe que les garçons seraient moins enclins à demander de l’aide et développeraient des symptômes de détresse différents des filles, ce qui pourrait conduire à une dépression cachée. Plutôt que d’exprimer leur mal-être par de la tristesse, les garçons auraient ainsi tendance à adopter des comportements agressifs, colériques ou à risque en tombant dans les addictions ou en jouant avec la mort. Ils auraient aussi tendance à s’isoler et à éviter les situations qui génèrent chez eux de l’inconfort en surinvestissant dans le sport, par exemple.

Ces comportements qui ne correspondent pas aux stéréotypes liés à la détresse psychologique rendraient les garçons moins repérables par les services de santé, d’autant plus à l’adolescence où les comportements impulsifs sont naturellement plus présents.

Pourquoi les garçons semblent se sentir moins concernés par leur santé mentale que les autres groupes populationnels ?

Tout d’abord, on peut remarquer que, malgré les avancées qui ont été faites dans la redéfinition des identités dites masculines, la question de la santé mentale semble rester encore taboue chez les hommes. Certaines idées liées à la masculinité toxique étant encore d’actualité, dévoiler ses émotions est bien souvent difficile pour les jeunes garçons.

En effet, on attend d’un « vrai gars », dans une vision stéréotypée, qu’il soit fort, en contrôle de ses émotions, peu bavard sur lui-même et capable de résoudre ses problèmes sans l’aide des autres. Ne pas se conformer à ces principes, c’est bien souvent l’occasion de se voir rejeté par ses pairs.

Orlando Ceide suggère ainsi qu’il y aurait une corrélation entre ce refus de consultation ou de recherche d’aide et le processus de socialisation des garçons.

Ainsi, selon Pierre L’Heureux de l’université de Laval, l’explication résiderait dans un phénomène que l’on appelle la triple dissociation. Les garçons apprendraient ainsi dès le plus jeune âge à :

👉 Ne pas être attentifs à leurs blessures, à leurs douleurs physiques : « un garçon ne pleure pas s’il se fait mal ».
👉 Négliger et minimiser leurs difficultés psychologiques : « un vrai gars ne se plaint pas, il encaisse les difficultés courageusement ».
👉 Ne pas être trop sensibles ou proches des autres. Cette interdiction a longtemps été liée à des préjugés homophobes où les hommes étaient rapidement suspectés s’ils se montraient trop proches d’autres hommes. Ce dernier point est, heureusement, moins d’actualité dans la société d’aujourd’hui grâce à l’évolution des mœurs.

Tout cela fait que certains garçons se désensibiliseraient progressivement de leurs sensations physiques et émotionnelles et seraient moins capables que les filles de comprendre leurs enjeux personnels et de savoir y réagir adéquatement.

Ainsi, il apparait que les garçons sont moins ouverts à demander de l’aide en milieu scolaire (43,7% contre 63% chez les filles et 50% chez les autres identités de genre) et souhaitent moins participer à des ateliers de gestion de stress (30,50% contre 53,1% chez les filles et 34,2% chez les autres genres)**.

Dans ce contexte, on comprend pourquoi il est difficile pour une grande partie des garçons de demander de l’aide ou de consulter un·e professionnel·le lorsqu’ils font face à des difficultés. Cela explique également le décalage entre les statistiques sur la santé mentale des garçons et leur taux de suicide plus préoccupant que chez les filles.

Bien entendu, il s’agit de constats généraux et de grandes différences peuvent être notées entre les garçons, en fonction de leur culture, de leur environnement familial et de leurs expériences personnelles.

Comment faire pour sensibiliser davantage les garçons à la santé mentale ?

Selon Orlando Ceide, l’éducation des garçons peut jouer un rôle significatif sur leur santé mentale. C’est dans cette perspective que la Maison d’Haïti, a mis sur pied le « Projet Gars », un programme d’intervention, d’éducation et de sensibilisation adapté aux besoins réels et à la réalité socio-culturelle des jeunes garçons.

Existant depuis plus de 5 ans dans le quartier Saint-Michel à Montréal, ce programme constitue un « safe space » dont l’objectif est d’accompagner des garçons âgés de 10 à 17 ans à travers leur adolescence dans une perspective de redéfinition masculine en contexte interculturel. Axé sur une approche d’éducation populaire, le programme consiste à outiller les jeunes afin qu’ils puissent confronter les effets pervers qu’entraînent les phénomènes de l’hypersexualisation et de la masculinité toxique.

Par l’entremise d’un ensemble d’activités ludiques, le programme « Projet Gars » vise à encourager les garçons à développer des relations saines entre eux et avec les autres, tout en favorisant l’écoute active, la créativité et les échanges sur des sujets tels que : la masculinité positive, les émotions, l’amitié, le féminisme, l’acceptation de soi, l’inclusion, la diversité, l’image corporelle, etc.

À la maison, il est également possible pour les parents d’agir auprès de leurs garçons pour les ouvrir à l’expression de leurs émotions.

Ainsi, il ne faut pas hésiter à donner l’exemple en exprimant vos propres ressentis devant eux et en leur montrant que vous savez demander de l’aide (à un·e ami·e, votre conjoint·e, votre famille, votre médecin etc.) lorsque vous rencontrez des difficultés émotionnelles, surtout si vous êtes un homme.

Au quotidien, pensez à leur demander comment s’est passée la journée de vos enfants, à exprimer et à nommer leurs émotions (« Oui, je comprends, ça devait être frustrant de… »). N’oubliez pas non plus de célébrer leurs « bons coups » et de souligner les compétences émotionnelles qu’ils ont dû mettre en œuvre pour y parvenir (« Tu as fait preuve de beaucoup de courage, tu as été persévérant, patient, compréhensif etc ».).

En échangeant avec eux, profitez-en pour les aider à développer des points de vue différents sur les événements de la journée, surtout lorsqu’il s’agit de difficultés relationnelles (« Oui, Raphael n’a pas voulu te parler ce matin mais peut-être qu’il avait mal dormi ou qu’il s’était disputé avec ses parents »).

D’une manière générale, tentez de prendre au sérieux et de valider leurs préoccupations et leurs inquiétudes en leur apportant du soutien quand ils en ont besoin. Leur enseigner la gestion du stress ou de l’anxiété peut ainsi être très intéressant à l’adolescence où l’on peut subir de nombreuses sources de pression.

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