L’adolescence : parlons d’une période, pas d’une crise

L’adolescence : parlons d’une période, pas d’une crise

Coauteure : Marie-Ève Caron de l’organisme SantéFamille

L’adolescence est souvent perçue comme une période tumultueuse, marquée par des sautes d’humeur et des comportements imprévisibles ou impulsifs. Les transformations biologiques et physiques de la puberté s’entremêlent aux transformations comportementales et sociales : les jeunes peuvent manger ou dormir plus ou moins, être plus émotif·ive·s et parfois, tester les limites. Et souvent quand ces changements surviennent, on va mettre ça sur le dos de la « crise d’adolescence » ou des hormones.

« Il ou elle est en pleine crise d’adolescence, il faut être patient. »
« Ça y est, c’est la crise d’ado qui commence ! »
« C’est juste l’adolescence, ça va passer. »

Cette expression, généralement ponctuée d’un soupir, est souvent l’explication à laquelle nous avons recours en tant qu’adulte ou parent face aux changements de comportement d’un·e jeune, comme s’il s’agissait d’une étape obligée du passage de l’enfance à l’âge adulte. Ce stéréotype, largement répandu dans notre société, teinte cependant cette période de vie de manière bien négative et tend à simplifier à l’excès une réalité bien plus complexe.

Il est important de se rappeler que la majorité des jeunes traversent l’adolescence sans crise. Il serait donc plus approprié de parler de période d’adolescence.

NON, L’ADOLESCENCE N’EST PAS TOUJOURS SYNONYME DE CRISE

Et si nous changions nos lunettes ? 🧐

Bien que l’adolescence puisse certainement être une période difficile, c’est surtout l’une des transitions les plus fascinantes et les plus complexes de la vie : une période de croissance et de changement accélérés, la deuxième après la petite enfance ; une période d’élargissement des horizons, de découverte de soi et d’indépendance naissante ; une période de métamorphose de l’enfance à l’âge adulte.

Les événements de cette phase de formation cruciale peuvent façonner le parcours de vie d’un individu. Chacun·e la traverse avec plus ou moins de difficultés et d’intensité, tout comme nous le faisons à d’autres périodes de la vie (un nouvel emploi, de nouvelles relations au travail, un déménagement, des enfants, l’évolution de relations sociales ou amoureuses, un deuil, etc.).

« CRISE D’ADOLESCENCE » OU DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE ?

« CRISE D’ADOLESCENCE » OU DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE ?

Lorsque des aléas surviennent pendant l’adolescence, on peut avoir tendance, sans forcément s’en rendre compte, à les minimiser en pensant qu’il s’agira « juste d’une phase ». Le risque, en collant l’étiquette « crise d’ado » à tout comportement considéré comme sortant de l’ordinaire, est de passer à côté d’une réelle détresse et de défis de santé mentale qui, s’ils restent ignorés, pourraient s’aggraver avec le temps.

La détresse psychologique est en effet au cœur de la plupart des problèmes vécus à l’adolescence. Aujourd’hui au Québec, plus d’un tiers des jeunes disent en souffrir.

Mais comment distinguer un comportement « normal » de l’adolescence, de la déprime passagère et de la détresse psychologique ?

Découvrir quelques pistes dans cet article

Attention

Si vous êtes dans une situation de crise où un·e jeune pourrait avoir des comportements dangereux envers elle-même ou lui-même :

  • Appelez le Centre de prévention du suicide de Montréal au 1 866 277-3553 et votre appel sera automatiquement acheminé à la ressource de votre région (service gratuit, confidentiel et accessible 24/7) ;
  • Appelez le 911 ou rendez-vous à l’urgence médicale la plus proche.

En cas de problème de santé mentale non urgent, appelez Info-Santé 811 option 2 pour joindre rapidement un·e professionnel·le en intervention psychosociale.

COMMENT PEUT-ON ACCOMPAGNER LES JEUNES À TRAVERS CETTE PÉRIODE D’ADOLESCENCE ?

🤝Parents, grands-parents, oncles, tantes, enseignant·e·s, intervenant·e·s, coachs sportif·ve·s, professionnel·le·s de la santé, nous constituons ensemble le filet de sécurité* des ados et avons tous et toutes un rôle à jouer pour les aider à vivre sainement cette transition et intervenir efficacement lorsque des défis surviennent.

*Le filet de sécurité représente tout adulte qui peut avoir un impact dans la vie d’un·e jeune (enseignant·e, parent direct, membre de la famille, entraîneur·euse, etc.). Au-delà du cercle rapproché autour de l’ado, il désigne de façon non officielle toute personne ayant un devoir de protection dans l’entourage d’un·e jeune.

🤸‍♀️Laisser aux jeunes l’espace de découvrir et d’explorer toutes ces nouvelles opportunités de façon sécuritaire est essentiel pour leur permettre de grandir sainement.

💙 Soyons présent·e·s, à l’écoute, curieux·ses, prêt·e·s à dialoguer dans la bienveillance et sans jugement pour créer un lien de confiance et les accompagner à travers ces turbulences.

 

Découvrez nos conseils pour accompagner les jeunes dans leur besoin d’autonomie 👉 dans cet article.

Habitudes de vie, choix des ami·e·s, conciliation des loisirs et du travail scolaire, choix du parcours d’études, utilisation des médias sociaux, exposition et premières consommations de substances… Découvrez nos conseils pour aider les jeunes à faire des choix éclairés 👉 dans cet article.

À retenir

Évitons de parler de « crise d’adolescence » et privilégions l’emploi de « période d’adolescence ».

Lorsque le comportement d’un·e jeune éveille en nous l’envie d’employer l’expression « crise d’adolescence », prenons le temps de vérifier ce qui se passe et ce qui se cache derrière ce comportement, observons et ouvrons le dialogue.

Il est important de reconnaître et valider les sentiments de l’ado, et surtout de ne pas les banaliser, les minimiser ou les ridiculiser. Valider l’émotion ne veut pas dire être d’accord avec ce qui se passe, ça démontre simplement qu’on reconnaît l’état. Ça peut paraître anodin, mais croyez-nous, ça fait une grande différence dans notre relation avec les jeunes !

Les clés pour créer et entretenir un lien de confiance avec les ados : du temps, de la patience, de la curiosité, de l’ouverture et de la bienveillance. Les ados ont besoin de se sentir vus et considérés tels qu’ils sont, sans préjugés.

Et enfin, rappelons-nous qu’on a tous et toutes été adolescent·e ! 😉

Ressources complémentaires

Sources

Miniguide Réagir face à un·e élève en détresse psychologique, Fondation Jeunes en Tête et Nathalie Parent, psychologue, auteure et conférencière.

National Research Council (US) and Institute of Medicine (US) Forum on Adolescence; Kipke MD, editor. Risks and Opportunities: Synthesis of Studies on Adolescence. Washington (DC): National Academies Press (US); 1999. 2, Adolescence: A Time of Opportunity and Risk. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK225165/   

Kattar, A. (2020). Adolescence terminée, adolescence interminable? Carrefours de l’éducation, 50(2), 11-20. DOI 10.3917/cdle.050.0011 

Valls, M. (2024). La crise d’adolescence : entre mythe et réalité. Article soumis à L’Éducateur. 7, 14-16. http://hdl.handle.net/20.500.12162/7658

Généreux, M. 2023. Enquête menée par l’Université de Sherbrooke sur la santé psychologique des 12 à 25 ans. Université de Sherbrooke. https://reussirestrie.ca/wp-content/uploads/2023/05/RAPPORT_mai_2023_vf.pdf

Brené Brown (2022). The gifts of imperfection: 10th Anniversary Edition. Simon and Schuster.

Ohayon, A. (2021). L’adolescence, crise individuelle, familiale ou sociale? Nouvelle revue de psychosociologie, (1), 27-38. DOI 10.3917/nrp.031.0027

SantéFamille est un organisme en ligne dont la mission à portée éducative vise à renforcer les capacités des familles à maintenir une bonne santé mentale en misant sur l’apprentissage et le partage d’expérience.

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