Les jeunes face aux discours masculinistes : 3 pistes pour les accompagner
Les jeunes face aux discours masculinistes : 3 pistes pour les accompagner
D’après une entrevue avec Samuel Tanner et François Gillardin de l’École de criminologie de l’UdeM
Les réseaux sociaux sont devenus des espaces puissants de diffusion d’idées — parfois positives, mais aussi toxiques. Parmi elles, les discours masculinistes séduisent de plus en plus les internautes, dont les jeunes, en jouant sur leurs insécurités, leur besoin d’appartenance et leurs questionnements identitaires.
Sans avoir toutes les réponses face à cet enjeu complexe et profond, nous pouvons agir. En tant qu’adultes, il est essentiel de ne pas rester silencieux. Sans dramatiser ni moraliser, nous pouvons jouer un rôle clé pour outiller les jeunes, les aider à décoder les messages qu’ils et elles reçoivent, et leur offrir des repères plus sains.
En collaboration avec le doctorant François Gillardin et le professeur Samuel Tanner, de l’École de criminologie de l’Université de Montréal, et le Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne, voici 3 pistes concrètes pour amorcer ce travail au quotidien, à la maison, à l’école ou dans la communauté.
POUR COMMENCER, QU’EST-CE QUE LE MASCULINISME ?
Le masculinisme est un mouvement social qui prétend que la société défavorise les hommes au profit des femmes et des féministes. Cette idéologie fait la promotion de valeurs traditionnelles, misogynes et antiféministes, et défend l’image de “mâles alpha” (ou “mâles dominants”) : des garçons et des hommes forts, protecteurs et pourvoyeurs.
Si ce mouvement n’est pas nouveau, il connaît un véritable essor ces dernières années. Ces discours sont aujourd’hui diffusés par plusieurs influenceurs aux millions d’abonnés sur les réseaux sociaux et se popularisent, notamment chez les jeunes, à travers des contenus de motivation et de développement personnel.

QUEL IMPACT CES DISCOURS MASCULINISTES PEUVENT-ILS AVOIR SUR LA SANTÉ MENTALE ET LE DÉVELOPPEMENT DES JEUNES ?
Les discours masculinistes véhiculent une vision rigide et violente des rapports entre les genres. Bien loin d’être anodins, ils peuvent avoir des effets nocifs autant sur les garçons que sur les filles, en particulier durant l’adolescence, période où l’identité est en pleine construction.
Voici quelques exemples de messages qui sont transmis :
- Chez les garçons, on valorise une masculinité stéréotypée, où un “vrai homme” ne montre pas ses émotions, domine les autres, accumule pouvoir et argent, et exerce un contrôle sur les femmes.
- Chez les filles, on entretient l’idée qu’elles devraient “rester à leur place”, se conformer aux désirs masculins, et se définir à travers le regard des hommes.
Ces discours peuvent générer une forte pression à se conformer à des modèles irréalistes et toxiques. Chez les jeunes, dont le jugement est encore développement, cela peut entraîner :
- Une faible estime de soi
- Des comportements à risque
- Une peur du rejet ou de ne pas correspondre aux attentes des autres
- Dans certains cas une banalisation de la violence ou des inégalités
3 PISTES POUR DÉFIER CES DISCOURS ET ACCOMPAGNER LES JEUNES
L’ampleur des interactions générées par les propos masculinistes contribue largement à diffuser ces idées. Une fois qu’un·e jeune interagit avec du contenu masculiniste – soit en écoutant la vidéo au complet, en l’envoyant à un·e ami·e, ou en prenant le temps de lire les commentaires, – les algorithmes vont pousser des contenus similaires et augmenter la portée de leur influence. Voir une grande quantité de contenu similaire peut alors entraîner un biais de confirmation.
Si certains ados réussissent à prendre du recul face à ces discours, d’autres peuvent ne pas avoir conscience qu’ils et elles font face à du contenu problématique.
🧠 DÉVELOPPER DES COMPÉTENCES NUMÉRIQUES ET UNE PENSÉE CRITIQUE
Les jeunes utilisent spontanément les médias sociaux comme source principale d’information. Il est donc essentiel de les amener à s’interroger sur le fonctionnement des plateformes comme YouTube, TikTok ou Instagram, afin de mieux comprendre comment les contenus leur sont proposés, filtrés et priorisés.
En tant qu’adulte, comment accompagner ce développement ?
Ouvrir le dialogue, c’est déjà un premier pas. On peut, par exemple, les aider à :
👉 comprendre comment leurs interactions influencent les contenus qu’ils et elles voient apparaître (likes, abonnements, visionnages complets) ;
👉 distinguer les contenus publicitaires ou promotionnels et apprendre à vérifier les informations auprès de sources fiables ;
👉 adopter une posture de recul critique face aux discours séduisants mais simplistes.
Vous pouvez rappeler aux ados que certains influenceurs :
👉 tirent profit de leurs contenus en vendant des « conseils » qui ne reflètent pas nécessairement la réalité ;
👉 misent sur les vulnérabilités émotionnelles pour capter l’attention ;
👉 utilisent des propos choquants, des postures provocantes et des mises en scène percutantes pour maximiser les vues et les partages ;
👉 enseignent parfois des stratégies de manipulation en les présentant comme des astuces pour “prendre confiance”, tout en influençant eux-mêmes leur auditoire ;
👉 exagèrent ou inventent leur succès à l’aide de techniques de marketing (photos truquées, faux témoignages, etc.).
Encadrer l’usage du numérique avec bienveillance 📲
Discuter du temps d’écran et de l’usage qu’on fait des technologies ne devrait pas être tabou.
Impliquez les jeunes dans l’élaboration de règles familiales autour de l’utilisation des écrans et des réseaux sociaux pour favoriser leur engagement et leur autonomie.
🛠️ Des ressources pratiques existent pour soutenir cette démarche, comme :
Fiche mémo pour guider les ados vers le bien-être numérique – Fondation Jeunes en Tête x CIEL
Entente familiale sur l’utilisation d’Internet – HabiloMédias
Contrat parent-ado d’utilisation du cellulaire – PAUSE
Entente d’utilisation familiale des écrans – PAUSE
🗣️ EN PARLER, AUTANT QUE POSSIBLE
On le sait, ce n’est pas toujours évident de trouver les bons mots pour aborder ces enjeux avec les ados. Pourtant, pas besoin d’être expert·e pour ouvrir la discussion sur les contenus qu’ils et elles consomment ou les messages qu’ils et elles entendent en ligne, à l’école ou dans leur entourage.
Le plus important est de leur offrir un cadre d’échange bienveillant, sans jugement, où les ados se sentent écouté·e·s, respecté·e·s… et en confiance pour parler.
👉 Toutes les occasions sont bonnes à saisir.
Des sujets d’actualité, une série regardée ensemble (comme Adolescence), une conversation entendue à l’école ou dans l’entourage : autant de points de départ pour amorcer la discussion sur les idées véhiculées par certains créateurs de contenus. Pourquoi ne pas proposer d’écouter l’émission ensemble, et d’en parler ?
Voici quelques exemples de questions à poser pour les inviter à réfléchir et à exprimer leur point de vue :
- Tu suis cet influenceur… Qu’est-ce qui t’intéresse chez lui ? Quels messages te parlent le plus ? Pourquoi ?
- Tu es d’accord avec ce qu’il dit ? Qu’est-ce que toi, t’en penses ?
- Tu crois que ces discours peuvent avoir un impact sur les autres ? Sur les relations entre filles et garçons, par exemple ?
- Est-ce que tu trouves que les réseaux sociaux t’aident à voir différentes opinions, ou plutôt qu’ils te montrent souvent la même chose ?
On peut aussi, en scrollant, partager avec eux nos impressions sur les contenus avec lesquels nous ne sommes pas d’accord. Exercer notre esprit critique devant eux, c’est déjà leur montrer l’exemple.
👉 Encouragez-les à parler de ce qu’ils et elles ressentent.
Accueillir leurs émotions sans minimiser ou juger permet de créer un climat de confiance durable. Que ce soit de la colère, de l’admiration, du malaise ou de l’incompréhension, toutes les émotions méritent d’être entendues.
Si ces discours masculinistes visent principalement les garçons, il est tout aussi important d’en parler avec les jeunes filles qui peuvent également y être largement exposées.
👨👦 LES EXPOSER À DES MODÈLES MASCULINS POSITIFS
En tant que parent, nous sommes les premiers modèles auxquels nos enfants s’identifient. Sans toujours en avoir conscience, nous transmettons des messages à travers nos gestes, nos paroles… mais aussi nos silences. C’est ce qu’on appelle parfois l’éducation silencieuse : ce que l’on montre au quotidien compte autant, sinon plus, que ce que l’on dit.
Pour aider les jeunes à résister aux discours masculinistes et à développer une vision équilibrée des relations, il est essentiel de leur exposer des modèles masculins respectueux, bienveillants et authentiques. Cela peut passer par :
- des figures inspirantes dans leur entourage (un ami de la famille, un enseignant, un coach, un grand frère…) ;
- des personnages positifs dans les films, les livres ou les séries ;
- et surtout… nous, les adultes, dans notre façon de parler, d’agir et de réagir.
Il ne s’agit pas d’être parfait, mais cohérent : adopter un langage respectueux, faire preuve d’écoute, valoriser l’empathie, exprimer nos émotions sans honte, remettre en question les stéréotypes… Ce sont des gestes simples, mais puissants, qui montrent qu’il existe d’autres façons d’être un homme ou une personne d’influence.
🧾En bref…
Pour aider les jeunes à résister aux discours masculinistes, pas besoin d’être expert·e. Il suffit d’être présent·e, à l’écoute et poser des questions.
✅ Encourager l’esprit critique et la réflexion
✅ Co-construire des repères autour de l’usage des écrans
✅ Parler ouvertement de ce qu’ils et elles voient, entendent et ressentent
✅ Offrir des modèles masculins positifs et bienveillants
De la même manière qu’on accompagne les jeunes pour apprendre à conduire une voiture, il est essentiel de les guider dans l’apprentissage de la conduite de l’information afin qu’ils et elles puissent naviguer de façon autonome et sécurisée dans le flot d’informations qui les entoure.
Ressources complémentaires
Vidéo – Masculinistes : comment aider son ado face à ces discours |Parentalité et Adolescence
Dossier sur le masculinisme expliqué aux jeunes |Le Curieux
Comment protéger nos jeunes du masculinisme |Tel-jeunes parents
Phénomène TikTok : l’essor inquiétant du mâle « sigma » |La Presse
Besoin de parler de ce que vous vivez avec votre ado?
Contactez Tel-jeunes Parents pour profiter d’un soutien professionnel gratuit.