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LE SPORT : QUAND LA PRESSION DEVIENT TROP FORTE CHEZ LES ADOS
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LE SPORT : QUAND LA PRESSION DEVIENT TROP FORTE CHEZ LES ADOS
Coauteure : Véronique Boudreault, Ph.D., PsyD, professeure à l’Université de Sherbrooke et titulaire Chaire Aléo
Le sport est un formidable moteur de bien-être chez les jeunes : il développe la confiance, renforce le sentiment d’appartenance et améliore la santé physique et mentale. Mais il peut aussi avoir des effets ambivalents sur la santé mentale.
Derrière l’adrénaline des compétitions et les moments de fierté se cachent parfois des émotions plus lourdes : peur de décevoir, épuisement, pression liée à la performance, anxiété…
En tant que parent, proche, coach ou intervenant·e, vous jouez un rôle clé. Ce deuxième article de notre série sur le sport et la santé mentale, vous aidera à repérer les signes de détresse psychologique chez les jeunes sportif·ive·s et à comprendre d’où vient cette anxiété de performance pour les aider à mieux la gérer.
👉 À lire : le premier article de notre série. Découvrez les bienfaits de l’activité physique sur la santé mentale et le développement des jeunes.
Le sport : un vecteur de bien-être pour les adosEn collaboration avec le CF Montréal
STRESS OU ANXIÉTÉ : QUELLE DIFFÉRENCE ? 🤔
Bien qu’ils soient souvent confondus, le stress et l’anxiété désignent deux réalités distinctes.
💡Le stress est une réaction normale et temporaire de l’organisme face à une situation perçue comme exigeante ou menaçante (comme une compétition, un examen ou un changement d’équipe). Il permet de mobiliser rapidement de l’énergie et des ressources pour relever un défi, puis s’estompe une fois la situation passée 1.
💡 L’anxiété, quant à elle, est une émotion liée à l’anticipation d’un danger futur, souvent imaginé ou exagéré2. Elle active les mêmes réactions physiologiques que le stress (tension musculaire, rythme cardiaque accéléré, vigilance accrue), mais de façon plus persistante et envahissante, même en l’absence de menace réelle. Elle se manifeste par des inquiétudes excessives, des troubles du sommeil, de la fatigue, et peut interférer avec la concentration, la motivation ou le plaisir19.
LE STRESS : NORMAL, ET UN ALLIÉ… JUSQU’À UN CERTAIN POINT
Il est tout à fait normal de ressentir du stress avant une performance. Il peut améliorer la concentration, l’énergie et la motivation9. Même les plus grand·e·s athlètes y font face !
Mais attention :
Lorsque cette pression devient constante et excessive, elle peut nuire à la performance et au bien-être, entraînant des symptômes tels que :
- la fatigue
- des troubles du sommeil
- une diminution de la motivation
- une augmentation du risque de blessures10
Reconnaître ces signes permet d’agir tôt, en favorisant un accompagnement bienveillant et des stratégies de régulation adaptées.
À QUEL MOMENT LE SPORT PEUT-IL DEVENIR UNE SOURCE D’ANXIÉTÉ DE PERFORMANCE ?
L’anxiété vécue par les jeunes sportif·ive·s peut être le résultat d’exigences trop élevées par rapport aux capacités d’adaptation de l’ado (ou quand la pression prend le dessus sur le plaisir) :
😞 La peur de décevoir
Si un·e jeune perçoit que sa réussite sportive influence la fierté ou l’approbation de ses parents ou de son entourage, la pression peut vite monter 3. Même sans le vouloir, certaines attitudes (comme parler uniquement des performances ou investir beaucoup de temps et d’argent dans la carrière sportive de son enfant) peuvent faire naître chez lui ou elle un sentiment d’obligation de réussir 4. Résultat : stress, culpabilité ou peur constante de ne pas être à la hauteur5.
🥉 La peur de l’échec
Dans un environnement où la compétition est forte, ne pas être sélectionné·e ou rater une épreuve importante peut devenir une vraie source d’angoisse6. À l’adolescence, la reconnaissance des pairs joue un rôle central dans l’estime de soi. Comme le sport est souvent un facteur de valorisation sociale, les jeunes qui obtiennent de bons résultats gagnent en prestige, tandis que les autres peuvent se sentir exclu·e·s ou moins estimé·e·s7. Cette pression de la performance peut rapidement miner la confiance en soi.
📱 Les médias sociaux
Chaque jour, les ados voient défiler sur leurs écrans des modèles de réussite, des corps “parfaits” ou des performances idéalisées et irréalistes. Cette comparaison permanente peut accentuer l’anxiété, nourrir un sentiment d’infériorité et fragiliser l’estime de soi.
🎢 Les périodes de transition
Changer d’équipe, passer à un niveau supérieur ou faire face à une blessure : autant de moments d’incertitude pouvant être déstabilisants8. Sans accompagnement adéquat, ces défis peuvent générer du stress, faire baisser la motivation et nuire à l’équilibre des jeunes athlètes.
BON STRESS OU MAUVAIS STRESS ?
Pour développer des stratégies d’adaptation et de gestion de l’anxiété, et transformer son stress en allié plutôt qu’en frein, il est essentiel de comprendre la différence entre stress fonctionnel et stress dysfonctionnel :
👉 Le stress fonctionnel est une réponse naturelle et adaptative qui est bénéfique car il stimule la concentration et l’effort, améliorant ainsi la performance. Il est souvent ressenti avant une compétition, sous forme d’excitation ou d’activation physiologique, mais diminue généralement pendant l’activité.
👉 Le stress dysfonctionnel, à l’inverse, survient lorsque l’athlète perçoit une situation comme une menace plutôt qu’un défi. L’anxiété devient alors paralysante. L’ado peut alors manifester un doute excessif, un évitement des compétitions ou des ruminations persistantes sur des erreurs commises dans le passé11. Lorsqu’il n’est pas géré adéquatement, le stress dysfonctionnel peut nuire au bien-être mental et augmenter le risque de décrochage sportif.
RECONNAÎTRE LES SIGNES DE DÉTRESSE CHEZ UN·E JEUNE SPORTIF·IVE
En tant que parents, entraîneurs ou proche significatif pour un·e ado, nous devons rester attentifs aux signaux suivants :
🚩 Perte de motivation
L’ado auparavant passionné·e, semble soudainement désengagé·e, exprime une lassitude ou n’éprouve plus de plaisir à s’entraîner12. Cette démotivation peut être accompagnée d’un manque d’énergie, d’une attitude négative envers la compétition ou d’un désinvestissement des entraînements et des relations avec l’entraîneur ou les coéquipiers.
🚩 Fatigue excessive
Un surentraînement, une pression constante ou un manque de récupération adéquate peuvent entraîner un épuisement physique et mental. On peut alors osberver chez l’ado une baisse des performances et une perte d’enthousiasme envers le sport13.
🚩 Anxiété marquée
Si le stress peut être un moteur de performance, un excès d’anxiété peut devenir paralysant. Les jeunes athlètes en détresse peuvent présenter une inquiétude et une peur exagérées de l’échec avant les compétitions, des troubles du sommeil, une irritabilité accrue ou des symptômes physiques (problèmes gastro-intestinaux sévères, maux de tête importants)14.
🚩 Troubles alimentaires et préoccupations excessives liées à l’image corporelle
Dans certains sports (esthétiques, d’endurance ou à catégories de poids), lorsque la pression à correspondre à des standards esthétiques est extrême, les jeunes athlètes peuvent développer une image corporelle négative et des comportements alimentaires problématiques15.
L’évitement des repas, une obsession pour la qualité des aliments, des tentatives de contrôle du poids ou de la musculature et des entraînements supplémentaires sont souvent des signes avant-coureurs de troubles du comportement alimentaire16.
🚩 Isolement social et humeur dépressive
Un·e jeune qui s’isole, évite les situations sociales ou manifeste des sautes d’humeur, une irritabilité accrue ou une tristesse persistante pourrait vivre un mal-être plus profond17.
Si ces symptômes persistent, il est essentiel de prendre la situation au sérieux et d’offrir un accompagnement adapté. Une détresse psychologique non prise en charge peut mener à une diminution des performances, un désengagement progressif du sport, voire un risque accru de blessures et de problèmes de santé à long terme18.

📌Dans la fiche ci-dessous, vous trouverez un tableau récapitulatif des signes à surveiller pour prévenir l’épuisement physique et psychologique d’un·e jeune sportif·ive.
Surveiller ne veut pas dire contrôler. L’adolescence est une étape-clé vers l’autonomie : c’est donc en encourageant la réflexion et le dialogue sur son équilibre de vie que vous pourrez soutenir efficacement l’adolescent·e.
Si vous remarquez des signes qui vous inquiètent, partagez-lui simplement ce que vous observez, de manière factuelle, et exprimez votre préoccupation avec bienveillance. Explorez ensuite avec lui ou elle ce qui pourrait être ajusté, et s’il ou elle aurait besoin d’aide pour y parvenir.
Télécharger la fiche des signes à surveillerCOMMENT SOUTENIR LA SANTÉ MENTALE ET L’ÉQUILIBRE DES JEUNES SPORTIF·IVE·S ?
🎯 Ce sera le cœur du troisième article de cette série, où nous explorerons des stratégies concrètes pour accompagner les jeunes dans leur parcours sportif tout en protégeant leur santé mentale.
RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES
- Sport’Aide
- Outil pour comprendre l’anxiété de performance et mieux intervenir – Centre RBC d’expertise universitaire en santé mentale
- Centre d’études sur le stress humain (CESH)
- Fillactive
- 4 trucs pour aider votre enfant-athlète à gérer l’anxiété de performance – Mon club sportif
- Ma fille n’aime pas l’éducation physique : 4 trucs pour l’aider durant l’année scolaire – Vifa Magazine
- Équilibre
- Hors-Piste
- Conseils sur l’activité physique pour les jeunes – Agence de la santé publique du Canada
En collaboration avec
Sources
1Lupien, S. J., Ouellet-Morin, I., Hupbach, A., Tu, M. T., Buss, C., Walker, D., … & McEwen, B. S. (2015). Beyond the stress concept: Allostatic load—A developmental biological and cognitive perspective. In D. Cicchetti (Ed.), Developmental psychopathology (Vol. 2, pp. 578–628). Wiley.
Lazarus, R. S., & Folkman, S. (1984). Stress, appraisal, and coping. Springer.
2American Psychological Association. (s.d.). APA Dictionary of Psychology – Anxiety. https://dictionary.apa.org/anxiety
3Harwood, C. G., & Knight, C. J. (2015). « Parenting in youth sport: A position paper on parenting expertise. » Psychology of Sport and Exercise, 16(1), 24-35.
4Dorsch, T. E., Smith, A. L., & Dotterer, A. M. (2016). « Individual, relationship, and context factors associated with parent support and pressure in organized youth sport. » Psychology of Sport and Exercise, 23, 132-141.
5Atkins, M. R., Johnson, D. M., Force, E. C., & Petrie, T. A. (2013). « Do I still want to play? » Parents’ and peers’ influences on girls’ continuation in sport. Journal of Sport Behavior, 36(4), 329–345.
6Gledhill, A., Harwood, C., & Forsdyke, D. (2017). « Psychosocial factors associated with talent development in football: A systematic review. » Psychology of Sport and Exercise, 31, 93-112.
7Jõesaar, H., Hein, V., & Hagger, M. S. (2012). « Peer influence on young athletes’ need satisfaction, intrinsic motivation and persistence in sport: A 12-month prospective study. » Psychology of Sport and Exercise, 13(5), 500-508.
8Stambulova, N., Ryba, T. V., & Henriksen, K. (2020). « Career development and transitions of athletes: The International Society of Sport Psychology position stand revisited. » International Journal of Sport and Exercise Psychology, 18(3), 263-289.
9Hanton, S., Mellalieu, S. D., & Hall, R. (2004). « Self-confidence and anxiety interpretation: A qualitative investigation. » Psychology of Sport and Exercise, 5(4), 477-495.
10Arnold, R., & Fletcher, D. (2021). Stress, Well-Being, and Performance in Sport. Taylor and Francis. https://doi.org/10.4324/9780429295874
11Ramis, Y., Torregrossa, M., Viladrich, C., & Cruz, J. (2017). « The effect of competition stressors on sport motivation: A self-determination theory approach. » Psychology of Sport and Exercise, 31, 77-85.
12Schinke, R. J., Stambulova, N. B., Si, G., & Moore, Z. (2018). « International society of sport psychology position stand: Athletes’ mental health, performance, and development. » International Journal of Sport and Exercise Psychology, 16(6), 622-639.
13Gustafsson, H., Kenttä, G., & Hassmén, P. (2011). « Burnout in competitive and elite athletes: A systematic review. » The Sport Psychologist, 25(4), 512-536.
14Rice, S. M., Butterworth, M., Clements, M., Joshi, P., & Purcell, R. (2019). « Development and implementation of the elite athlete mental health strategy: A case study of the Australian Institute of Sport. » Case Studies in Sport and Exercise Psychology, 3(1), 1-10.
15Boudreault, V., Gagnon-Girouard, M.-P., Carbonneau, N., Labossière, S., Bégin, C., & Parent, S. (2021). Extreme weight control behaviors among adolescent athletes: Links with weight-related maltreatment from parents and coaches and sport ethic norms. International Review for the Sociology of Sport, 57(3), 421-439. https://doi.org/10.1177/10126902211018672 (Original work published 2022)
16Voelker, D. K., Petrie, T. A., Reel, J. J., & Gould, D. (2018). Frequency and psychosocial correlates of eating disorder symptomatology in male figure skaters. Journal of Applied Sport Psychology, 30(1), 119–126. https://doi.org/10.1080/10413200.2017.1325416
17Purcell, R., Gwyther, K., & Rice, S. M. (2020). « Mental health in elite athletes: Increased awareness requires an early intervention framework to respond to athlete needs. » Sports Medicine – Open, 6(1), 46.
18Henriksen, K., Schinke, R., Moesch, K., McCann, S., Parham, W. D., Larsen, C. H., & Terry, P. (2020). Consensus statement on improving the mental health of high performance athletes. International Journal of Sport and Exercise Psychology, 18(5), 553–560. https://doi.org/10.1080/1612197X.2019.1570473
19American Psychiatric Association. (2015). DSM-5: Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (5e éd.). Elsevier Masson.