Tout savoir sur la cyberviolence contre les filles

Tout savoir sur la cyberviolence contre les filles

 

Auteure : Ines Lopes, Ph.D., psychologue

Saviez-vous que 61 % des filles ont rapporté avoir subi de la cyberviolence au moins une fois, selon une étude menée auprès d’adolescent.e.s ?1

Avec le poids des stéréotypes de genre, l’hypersexualisation des filles dans les médias, la pression de la société pour correspondre à des normes de beauté irréalistes, mais aussi pour des raisons d’exploitation sexuelle ou lors de situations de cyberintimidation : les adolescentes sont de plus en plus visées par des actes de violence sur le web.

En quoi consiste exactement cette violence en ligne ? Les filles sont-elles les seules concernées par ces agressions ? Comment prévenir ces situations ?

Voici quelques conseils pour mieux comprendre ce phénomène et savoir y réagir en tant que parent.

La cyberviolence contre les filles, c’est quoi ?

De nombreuses violences exercées sur les filles seront fortement influencées par des idées stéréotypées, sexistes et violentes envers les femmes, encore bien présentes dans notre société.

Très jeunes, les adolescentes peuvent ainsi être exposées à différents types d’agressions via les médias numériques (Internet, textos, courriels, médias sociaux, sites de clavardage, jeux vidéo en communauté, etc.) telles que :

  • Des critiques sur leurs comportements jugés trop provoquants, sexuels ou immoraux et qui reposent sur l’idée que le sexe est honteux pour une femme (ou slut shaming).
  • Des moqueries sur leurs physiques jugés « non conformes » ( ou body shaming).
  • De la cyberintimidation qui a pour but de les dénigrer, de les isoler en les insultant, en lançant des rumeurs à leur sujet ou en les menaçant. Cela peut être anonyme mais, bien souvent, les victimes connaissent leurs agresseur.e.s et ces cyberviolences peuvent être une extension des situations d’intimidation vécues dans le milieu de vie.
  • De la tromperie ou une incitation directe d’adultes qui demandent à des adolescentes de pratiquer des actes sexuels pour leur compte ou pour en tirer de l’argent.
  • De la diffusion de photos ou de vidéos intimes. Par exemple, un.e ex-partenaire amoureux.se cherche à se venger après une rupture (ou pornographie vengeresse ou revenge porn).

 

👉 Notez que certaines de ces agressions sont considérées comme des crimes. Par exemple, même si une jeune fille a donné son consentement lorsqu’elle a envoyé ses photos intimes, détenir ou partager des clichés d’une personne âgée de moins de 18 ans est illégal.

Est-ce que la violence en ligne ne concerne que les adolescentes ?

👩🏿‍🤝‍🧑🏻 Tous les genres peuvent être victimes de violence en ligne, mais les filles (tout comme les membres de la communauté LGBTQIA2+ 🏳‍🌈 et les personnes racisées) y sont plus exposées et d’une façon différente.

En effet, les violences contre les adolescentes sont plus souvent axées sur leur sexualité et leur apparence physique. C’est aussi le cas lorsqu’elles émettent des opinions en ligne (elles sont plus souvent critiquées). Ces facteurs sont d’autant plus cumulatifs (p. ex. une adolescente racisée ou une adolescente trans seront plus souvent encore visées par des cyberviolences).

On note ainsi que 39 % des jeunes filles de 14 à 17 ans ont été victimes de harcèlement en ligne, contre 26 % des garçons de la même tranche d’âge.2

D’autre part, dans une société souvent sexiste où les jeunes filles sont poussées à avoir des comportements sexualisés, elles subissent une plus grande pression dans le cadre de leurs relations amoureuses. En 2018, le Centre canadien de protection de l’enfance a révélé que 20 % des jeunes filles de 15 à 17 ans ont reçu des demandes de photos ou de vidéos sexuellement explicites en ligne, contre 11 % des garçons de la même tranche d’âge.3

Quelles sont les conséquences de la cyberintimidation sur les adolescentes ?

À un âge où les adolescentes construisent leur identité, vivre de la violence en ligne peut avoir de lourdes conséquences psychologiques.

En plus de voir sa réputation ternie, une jeune fille qui vit du cyberharcèlement pourra ressentir une profonde détresse mais aussi de l’insécurité, de la honte, de l’impuissance ainsi que de la culpabilité. Elle pourra également développer de la méfiance dans ses relations amoureuses et amicales et hésiter à s’investir à nouveau. Toutes ces émotions négatives peuvent aboutir à de l’anxiété, à une perte de confiance en soi, à de la dépression, voire à des idées suicidaires.

Certaines adolescentes peuvent également être tentées d’avoir recours à la consommation de drogues ou d’alcool, à développer des troubles psychosomatiques (maux de ventre, de tête, difficultés de sommeil, etc.) ou du comportement alimentaire, à s’isoler ou à décrocher scolairement.

👉 Il est donc important de prêter attention aux changements de comportement de votre adolescente et de clarifier rapidement la situation avec elle en cas de doute.

Comment protéger les filles de la cyberviolence ?

Comme de nombreuses situations de cyberharcèlement sont liées aux histoires amoureuses des jeunes filles, il est important de les éduquer à la notion de consentement et de relations amoureuses saines. Votre adolescente sera mieux outillée pour refuser certains comportements comme ceux d’un partenaire trop insistant qui demanderait des photos ou des vidéos dénudées.

👉 Consultez le violentomètre pour en savoir plus sur les situations de violence en couple : ici🌡

Cette pratique, appelée sextage (ou égoportraits érotiques) est en pleine expansion chez les jeunes et est à l’origine de nombreuses situations de cyberviolences. En effet, une fois transmis, ces contenus ne sont plus sous le contrôle de l’adolescente et il peut être bien tentant pour un partenaire de les partager à ses ami.e.s pour se vanter, pour l’humilier, pour faire du chantage ou pour se venger en cas de rupture, par exemple. Certain.e.s ados peuvent également utiliser ces photos pour obtenir les faveurs d’un.e autre partenaire : « Tu vois, ELLE m’a envoyé une photo de ses seins. Si tu ne le fais pas, c’est que t’es trop bébé ».

Même s’il peut être troublant pour un parent d’imaginer que son enfant puisse avoir des pratiques sexuelles, il est essentiel d’en parler de façon ouverte et non moralisatrice. Profitez par exemple d’un fait d’actualité, d’un film ou d’une situation dans votre entourage pour questionner votre ado à ce sujet « Qu’aurais-tu fait à sa place ? » et essayez le plus possible d’avoir des conversations régulières avec votre jeune pour entretenir votre communication.

 

Vous pouvez également lui apprendre à se sortir de situations embarrassantes en :

  • Refusant directement : « Pas question, je n’ai pas envie que mes photos circulent sur Internet.»
  • Faisant une blague
  • En inventant une excuse : « Désolé.e, faut que j’y aille. »
  • En ignorant la personne
  • En s’opposant (l’insistance est un comportement contrôlant)
  • En bloquant la personne4

Quel que soit le genre de votre ado, tentez également de l’éduquer sur les contenus de ses publications et leurs conséquences possibles, sur l’impact de ses commentaires ou likes pour iel-même et pour les autres.

Il est important aussi qu’iel apprenne à bien configurer ses paramètres de sécurité et à savoir qui contacter pour se faire aider.

En effet, il est important de comprendre que ces violences ne sont pas toujours faites dans le but de nuire à la victime. Certain.e.s jeunes veulent simplement faire rire ou se mettre en valeur et ne comprennent pas toutes les conséquences que cela peut malgré tout avoir sur la personne visée.

Comment réagir si votre adolescente est victime de violence en ligne ?

Colère, tristesse, honte, anxiété ou déception, il peut être très déstabilisant pour un parent d’apprendre que son enfant est victime de cyberviolence.

🧘‍♀️ Même si ce n’est pas facile, essayez le plus possible de prendre le temps de faire le point sur vos émotions pour réagir adéquatement, sans dramatiser ou banaliser.

🗣 Si cela est trop difficile pour vous, n’hésitez pas à en parler à votre entourage ou à vous faire aider par un.e professionnel.le de santé.

💙 Essayez également d’écouter au maximum votre ado et de lui dire que vous la croyez et la soutenez dans cette épreuve. Lui reprocher son manque de jugement ou le fait de ne pas vous en avoir parlé avant n’aidera pas votre jeune et risquerait même de la fermer à la discussion.

💾 Tentez également de ne pas regarder les photos gênantes ou les messages échangés car cela risquerait d’augmenter le malaise de votre enfant qui a déjà subi une grande humiliation. En revanche, vous pouvez conseiller à votre ado de conserver toutes les preuves pour pouvoir signaler ses agresseur.e.s à la plateforme où a eu lieu l’épisode de violence ou à la police si vous souhaitez porter plainte.

Que votre enfant soit la victime ou l’auteur.e de ces cyberviolences, voici des ressources auxquelles vous pouvez faire appel pour vous aider :

Cyberviolence et abus sexuels :
AidezMoiSVP.ca
Cyberaide.ca 
Fondation Marie-Vincent
RQCALACS (Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel)

Intimidation et violence :
PrevNet.ca
SOS Violence conjugale

Police et cybercriminalité :
• Contacter le poste de police de son quartier ou composer le 911 en cas d’urgence : Centre de prévention du crime chez les jeunes – GRC (intimidation, cyberintimidation, sécurité en ligne, problèmes de violence, etc.)
Sûreté du Québec (cybercriminalité, extorsion, vol d’identité, pornographie juvénile, etc.). *4141 à partir d’un téléphone cellulaire

Ressources pour aller plus loin :
Guide pour les parents : la cyberviolence dans les relations amoureuses des jeunes
Guide pédagogique : cyberviolences chez les jeunes

Sources

1Étude : Fisher (2016) dans Relais-femmes (2020). Cyberviolence : agir et prévenir. Formation en ligne. Modules 1 à 3.
2Étude : « Harcèlement en ligne chez les jeunes : prévalence, impacts et enjeux juridiques », mars 2019
3Étude : « Les jeunes Canadiens dans un monde branché », réalisée en ligne auprès de 5 436 jeunes Canadiens âgés de 8 à 17 ans. Centre canadien de protection de l’enfance.
4Centre canadien de protection de l’enfance/Cyberaide, 2017

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